Infos-Sectes Midi-Pyrénées
Association loi 1901 - Agréée Jeunesse et Education Populaire
Centre d'accueil laïque sur les dérives sectaires

 

 

 

 

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Interview : Daniel GROSCOLAS *



* Président national du centre Contre les Manipulations Mentales Roger Ikor, ex-responsable de la cellule chargée de la prévention des phénomènes sectaires dans l'Education au Ministère.


 

 

Quelle est l'évolution du phénomène sectaire en France ? Celui-ci est-il en augmentation ?

« L'engagement des pouvoirs publics, en accompagnement des initiatives plus anciennes des deux grandes associations nationales de lutte contre les dérives des sectes (CCMM Centre Roger Ikor et UNADFI), a contribué à stopper la progression des phénomènes sectaires en France. Les sectes sont maintenant plus discrètes, elles avancent mieux masquées, se dissimulant derrières des thèmes généreux comme la paix, la lutte contre la drogue et même la défense des droits de l'Homme (elle qui les bafouent !!!). C'est pourquoi il est maintenant très difficile de les quantifier. »

La France est-elle plus touchée que les autres pays européens ?

«  La France était touchée, comme les autres pays européens. La prise de conscience de l'ensemble de la classe politique française, après le rapport parlementaire « les sectes en France » (1996), fait que la France est maintenant au niveau mondial, le pays le mieux protégé. C'est normal pour la patrie des droits de l'homme !! »

Quelles sont les délits les plus commis par les mouvements sectaires ?

 « Il existe différents types de sectes, aussi leurs délits sont diversifiés : escroqueries dans les domaines de la santé, de la formation (le développement personnel), manipulation mentale portant atteinte à l'intégrité physique et mentales des adeptes… »

Voici trois ans que la loi About-Picard (tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires) a été adoptée. Pouvez-vous en tirer un premier bilan quant à son efficacité dans la lutte contre les dérives sectaires ?

« Lorsque les pouvoirs publics se dotent d'une législation nouvelle, ce sont les effets dissuasifs de cette nouvelle législation qui sont les plus importants. J'ai personnellement pu le mesurer dans le cadre de mes responsabilités professionnelles antérieures : lorsque l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, à l'unanimité après le Sénat, la loi « sur le renforcement de l'obligation scolaire », nous avons vu des écoles privées hors contrat, suspectes d'être des écoles des sectes, prononcer leur auto-dissolution uniquement parce que leurs responsables savaient qu'ils allaient désormais faire l'objet de contrôles. Il en a été de même avec la loi About Picard qui n'a pas encore été appliquée dans toute sa rigueur, elle joue pleinement son rôle dissuasif »..

Y-a-t-il d'autres mesures urgentes que vous souhaiteriez que le Parlement adopte ? Lesquelles ?

 « Chaque fois qu'une loi est votée, nous savons que les sectes s'efforcent de la contourner. Il faudrait que le législateur, en relation avec les deux associations nationales représentatives, s'attache à s'assurer que les réglementations demeurent adaptées, compte tenu des évolutions constantes des sectes. Un exemple : le contrôle de l'enseignement obligatoire (6/16 ans) est généralement bien effectué dans l'hexagone, par contre fleurissent des officines qui dispensent des cours de « soutien scolaire », de « remise à niveau » ; certaines sont des entreprises respectables, d'autres par contre, sont des « produits d'appel » d'organisations sectaires. A ce jour, aucun ministère n'a compétence pour contrôler ces cours, c'est donc impunément que des cours sont organisés en France par des sectes. Il faut que les pouvoirs publics assument rapidement leur responsabilité ».

Quel regard portez-vous sur le fait que les Pouvoirs Publics s'engagent dans de grandes campagnes de sensibilisation pour le tabac ou la sécurité routière par exemple, et passe sous silence les problèmes liés aux dérives sectaires alors que ces mouvements s'infiltrent dans tous les pans de notre société ? Ne s'agit-il pas d'un véritable désengagement de l'Etat ?

« Les pouvoirs publics font preuve d'une certaine prudence et hésitent à engager des campagnes de sensibilisation aux risques liés aux organisations sectaires, je pense qu'ils ont raison car ce n'est qu'en partie leur rôle. Il serait, en effet, difficile pour un Etat laïque de dénoncer les fausses croyances, risquant d'être accusé de manquer à son devoir d'impartialité. Il peut par contre mettre en garde contre certains agissements et toutes les formes de manipulations sectaires qui ont fait l'objet d'une décision de justice, c'est sur cet aspect que les pouvoirs publics sont trop prudents. Les associations nationales comme le CCMM, dans la mesure où l'Etat leur en donne les moyens, peuvent plus facilement engager des campagnes d'information, mais l'Etat est défaillant sur ce point ».

Vous êtes également élu local. A ce titre, pouvez-vous nous expliquer à quels problèmes sont confrontées les collectivités locales par rapport aux tentatives d'infiltration des sectes ?

« Je pense qu'être élu local ou exercer des responsabilités au sein d'une association de lutte contre les risques sectaires constituent des engagements complémentaires. Ils nécessitent tous deux la volonté d'agir au service de ses concitoyens. Les maires sont généralement démunis lorsqu'ils sont confrontés à des questions liés à des sectes, par exemple à une demande de permis de construire d'une de ces organisations. Les pouvoirs publics n'apportent pas de solutions réelles face à de telles situations. Ils ont bien édité un « guide » mais il ne présente que peu d'intérêt parce qu'élaboré par des « technocrates es-sectes » qui n'ont, dans les faits, aucune expérience et théorisent à partir de leur imaginaire. Seule l'expérience d'associations spécialisées comme le CCMM permet d'aider et de conseiller efficacement les élus ».

Les maires ont-ils des attributions spécifiques afin de contribuer efficacement à la lutte des dérives sectaires ?

 « Les maires sont habituellement à l'écoute de la population, leur pouvoir de police leur permet de prendre des initiatives, ils sont pour nous, des interlocuteurs privilégiés parce que la lutte contre les dérives des sectes se mène sur le terrain ».

Parlons maintenant plus spécifiquement des tentatives d'infiltration dans l'Education Nationale. Comment ces tentatives se traduisent-elles ?

 « Autrefois les organisations sectaires n'hésitaient pas à tenter d'infiltrer le système éducatif à visage découvert ; c'était généralement un échec, le bon sens des enseignants allié au principe de laïcité de l'école publique constituant la meilleure protection. Parfois, hélas, des enseignants se laissaient séduire par le discours sectaires… Depuis qu'une politique de prévention a été engagée au sein de l'Education nationale, les sectes savent qu'elles ne pourront y pénétrer pour se livrer à leur entreprise de prosélytisme, aussi tentent-elles, en proposant leur participation sur des thèmes prétendument éducatifs, à pouvoir y intervenir. Les chefs d'établissements doivent être attentifs à n'accepter que des intervenants extérieurs notoirement connus et des associations agréées par le ministère. Le dispositif d'agrément s'est révélé particulièrement efficace, c'est une forme de « label de qualité ». Si les enfants sont protégés au sein du système éducatif, il n'en est pas de même au niveau de leurs activités de loisirs. Les services de Jeunesse et Sports s'efforcent de les contrôler mais la vigilance des parents demeure fondamentale. C'est pourquoi nous multiplions les sessions d'information destinée aux parents, aux jeunes et à leurs animateurs dans le cadre de l'éducation populaire ».

Quelles actions de prévention le ministère a-t-il mis en place ?

 « J'ai été appelé en 1996, en tant qu'inspecteur général de l'Education nationale, à mettre en place puis à diriger, au sein du ministère de l'Education nationale, une cellule spécialisée qui est toujours en activité : la CPPS (Cellule pour la prévention des phénomènes sectaires dans l'éducation). S'appuyant sur une étude que j'avais réalisée sur les tentatives de prosélytisme des sectes dans l'éducation, la CPPS a tissé un réseau national avec un correspondant dans chaque rectorat. Outre sa fonction d'alerte et d'éveil, la cellule anime des formations (des cadres éducatifs) et coordonne les initiatives académiques. Au fil des ans, les tentatives de sectes sont devenues de plus en plus rares, on peut s'en réjouir mais se serait mal connaître certaines organisations que de croire qu'elles ont définitivement renoncé : elles attendent un éventuel relâchement de la vigilance ».

Ce dispositif a-t-il prouvé son efficacité ?

 « Le « dispositif éducation nationale » a fait ses preuves en termes de protection du système éducatif, par contre l'éducation nationale n'assume que très partiellement, et souvent grâce aux interventions du CCMM, sa mission d'éducation et d'information des jeunes sur les risques sectaires. Au fil de la scolarité, l'élève est préparé à ses futures responsabilités d'adultes, c'est « l'éducation à la citoyenneté » qui repose en particulier sur la formation du jugement par l'exercice de l'esprit critique et la pratique de l'argumentation. C'est la première des formes de préventions, non seulement pour armer les jeunes contre le prosélytisme des sectes, mais également contre les escrocs de toutes formes. Cette « éducation à la citoyenneté » est une des missions premières de l'Education nationale. L'expérience prouve hélas qu'il ne suffit pas d'avoir un esprit critique pour ne pas être victimes des sectes. Une information sur les pratiques qu'elles mettent en œuvre pour séduire est le complément indispensable. L'information des élèves est une des priorités du CCMM qui a engagé une réflexion sur la pédagogie à mettre en œuvre avec le ministère de l'Education nationale ».

Enfin dernière question. Que répondez-vous aux opposants des associations de lutte contre les sectes (associations ou même certains Etats comme les Etats-Unis) qui s'insurgent contre la mise à mal de la « liberté de conscience » et définissent la France comme un pays totalitaire ?

« Les associations qui contestent l'action que nous menons sont habituellement des filiales cachées d'une organisation sectaire. C'est leur nouvelle stratégie : se présenter comme victimes et faire accuser les organisations comme le CCMM de ne pas respecter la liberté de conscience par leurs filiales. Les droits de l'homme, les droits de l'enfant, les valeurs républicaines comme la liberté de conscience, la laïcité figurent comme référence dans nos statuts et irriguent notre action. A l'inverse, les sectes bafouent ces valeurs. Vous avez raison de relever que les Etats-Unis définissent la France comme Etat totalitaire parce qu'elle protège ses habitants contre les pratiques des sectes. Au nom de quoi les Etats-Unis peuvent-ils se prétendre comme défenseurs de la liberté de conscience au niveau de la planète ? Les Etats-Unis n'ont pas ratifié, à la différence de la France, de nombreux accords internationaux comme les droits de l'enfant, l'élimination des mines anti-personnelles…Que font-ils de la liberté de conscience en Irak et à travers le monde chaque fois qu'ils veulent imposer leur loi ? je suis indigné lorsque j'entends des dirigeants français qui voudraient voir infléchir notre politique de lutte contre les dérives des sectes pour ne pas déplaire aux Etats-Unis. Ce n'est pas sombrer dans un anti-américanisme primaire que de refuser cette subordination et de souhaiter que les U.S.A cessent de défendre des organisations sectaires d'origine américaine. Quand un ami fait fausse route, il est normal de le lui dire, je souhaite que la France réponde avec plus de convictions aux critiques américaines ».


Interview extraite du journal bimestriel "Quartiers Libres" (N°67, Oct. 2004), édité par la Fédération Départementale des Associations des Quartiers du Nord-Est Toulousain (FEDEAQNET)

 

 





[Récit d'une ex-adepte]

 

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